Infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (IDM ST+)

Définition
L'infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (IDM ST+) est un syndrome coronarien aigu caractérisé à la fois par une douleur rétrosternale constrictive, intense, prolongée > 20 min, irradiante, le plus souvent de repos, et par un sus-décalage persistant du segment ST sur l'ECG.
Tous les patients présentant un IDM ST+ de moins de 12 h doivent bénéficier d'une reperfusion en urgence avec un triple objectif :
1. diminuer la mortalité ;
2. prévenir les complications ;
3. soulager la douleur.
Prise en charge préhospitalière par le SAMU (15)
Appel du SAMU (15) le plus tôt possible devant une douleur thoracique évocatrice.
Monitoring ECG et surveillance clinique. L'ECG va confirmer le sus-décalage du segment ST.
Traitement médical à débuter en urgence :
  • administrer un antalgique majeur : chlorhydrate de morphine ½ amp. (5 mg) en SC en respectant les contre-indications (BPCO, hypotension) ;
  • 2nasal si SaO 2 < 95 % ;
  • poser si possible une voie veineuse périphérique (G5 %) et ne pas faire d'injection IM ;
  • débuter le traitement double antiagrégant plaquettaire par aspirine 150 à 300 mg per os ou en IVD + clopidogrel 300 ou 600 mg per os (ou prasugrel 60 mg ou ticagrélor 180 mg) + le traitement anticoagulant (HBPM type énoxaparine 3 000 UI en bolus IVD suivie immédiatement d'une injection SC de 100 UI/kg ou HNF 50 UI/kg en bolus IVD puis 20 mg/kg/h en IVSE). Le fondaparinux peut être aussi utilisé sauf si une angioplastie primaire est décidée (bolus IVD de 2,5 mg).
Remarques : en cas de fibrinolyse, la dose de charge de clopidogrel préconisée est de 300 mg ; elle est de 600 mg en cas d'angioplastie primaire. Le prasugrel et le ticagrélor n'ont pas été testés en association avec la fibrinolyse et doivent être évités. L'association du prasugrel ou du ticagrélor à l'aspirine présente un bénéfice modeste mais surtout un risque hémorragique accru par rapport à l'association clopidogrel + aspirine. Il est primordial de bien respecter les contre-indications du prasugrel et du ticagrélor
Décider de la stratégie de reperfusion dès la phase préhospitalière.
Stratégie de reperfusion coronaire
  • Elle dépend du délai d'évolution de l'IDM et du délai pour effectuer la procédure d'angioplastie (accessibilité d'un centre d'angioplastie primaire).
  • L'angioplastie primaire est supérieure à la fibrinolyse chez les patients présentant un IDM ST+ en termes de moindre mortalité, de meilleure récupération myocardique, de moindre récidive ischémique et de moindre risque hémorragique. Cependant si l'angioplastie ne peut pas être faite immédiatement, la fibrinolyse sera le traitement à privilégier.
À partir de la prise en charge pré-hospitalière type SAMU ou d'une structure médicale sans possibilité d'angioplastie primaire :
  • si l'angioplastie est réalisable dans un délai < 120 min : transfert immédiat dans un centre d'angioplastie : angioplastie primaire. Ce délai est celui entre le 1 ercontact médical et le geste de désobstruction intracoronaire au ballonnet ;
  • si l'angioplastie n'est pas réalisable dans un délai de 120 min : fibrinolyse immédiate (idéalement dans les 30 premières minutes) puis transfert en urgence dans un centre d'angioplastie ;
  • si échec de la fibrinolyse (évaluation à 90 min du début de la fibrinolyse sur la douleur et l'ECG) : angioplastie de sauvetage ;
  • si succès de la fibrinolyse : coronarographie de contrôle dans les 3-24 h ;
  • en cas de contre-indication à la fibrinolyse : angioplastie primaire.
À partir d'une structure médicale avec angioplastie primaire disponible : angioplastie primaire (idéalement dans la 1 reh).
La technique d'angioplastie coronaire (primaire ou de sauvetage) est décrite dans Techniques de revascularisation myocardique. Les anti-GPIIbIIIa (abciximabeptifibatidetirofiban) peuvent être un traitement adjuvant à l'angioplastie primaire.
La fibrinolyse dans l'IDM ST+ fait actuellement appel à des produits plus fibrinospécifiques que l'urokinase utilisée pendant longtemps. Il s'agit de l'altéplase (ACTILYSE) et de la ténectéplase (METALYSE), cette dernière étant simple à utiliser en phase pré-hospitalière avec un bolus IV unique adapté au poids . À noter que les anti-GPIIbIIIa ne sont pas recommandés en association avec la fibrinolyse. 
Dans tous les cas décrits ci-dessus, la poursuite de la prise en charge devra se faire dans une unité de soins intensifs cardiologiques.
Prise en charge en unités de soins intensifs cardiologiques
Repos au lit strict.
Pose d'une voie veineuse périphérique de bon calibre avec 500 mL de G5 % par 24 h + 2 g KCl + 3 g MgSO 4.
Monitoring ECG, pression artérielle et oxymètre de pouls.
Double antiagrégation plaquettaire : aspirine (ex : KARDÉGIC 75 à 100 mg/j per os à vie) + autre antiagrégant plaquettaire pendant 1 an (clopidogrel 75 mg/j ou ticagrélor 90 mg x 2/j ou prasugrel 10 mg/j).
Anticoagulation efficace
La durée doit être courte < 48 h sauf si un risque thromboembolique persiste (ACFA par exemple).
HBPM : LOVENOX 100 UI/kg/12 h en SC (utiliser le flacon multidose de 3 mL).
Ou HNF : HÉPARINE 20 mg/kg/h en IVSE à adapter au TCA.
Le fondaparinux peut être aussi utilisé.
Traitement β-bloquant
À débuter précocement dès la prise en charge hospitalière. Il n'est pas recommandé en phase pré-hospitalière.
En l'absence de contre-indication (insuffisance cardiaque aiguë, choc cardiogénique, bradycardie, troubles de conduction sévères).
Par voie IV à la phase aiguë puis relais per os. L'acébutolol, l'aténolol, le métoprolol et le timolol ont l'AMM dans l'IDM.
Ex : TÉNORMINE : 5 à 10 mg (1 mg/min) à injecter en IV puis relais per os avec 50 mg 15 min après l'injection puis toutes les 12 h.
Diminuer la posologie ou arrêter le traitement en cas de mauvaise tolérance hémodynamique.
Diminue la mortalité cardiovasculaire, la mort subite et les troubles du rythme.
Inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC)
Prévention efficace du remodelage ventriculaire gauche post-infarctus, réduction de la stimulation neuro-humorale.
Diminution de la mortalité précoce et tardive quelle que soit la fonction ventriculaire gauche.
À débuter précocement dès J1-J2 en particulier en cas d'insuffisance cardiaque symptomatique ou de dysfonction ventriculaire gauche systolique asymptomatique ou de diabète ou d'IDM antérieur.
Le captopril, le lisinopril, le périndopril, le ramipril, le trandolapril et le zofénopril ont l'AMM dans le post-IDM.
Exemples de doses optimales à atteindre progressivement :
  • TRIATEC (cp. à 2,5 ou 5 mg) 10 mg/j en 2 prises/j ;
  • ZESTRIL (cp. à 5 ou 20 mg) 10 mg/j en une prise/j.
Surveillance régulière de la pression artérielle, de la kaliémie et de la fonction rénale.
En cas d'intolérance aux IEC, les ARA II sont utilisables dans le post-IDM récent entre la 12 eh et le 10 ej. Seul le valsartan a l'AMM dans le post-IDM avec une efficacité identique aux IEC.
À noter que l'éplérénone est indiquée aussi en post-IDM quand la FEVG est ≤ 40 % en l'absence d'hyperkaliémie ou d'insuffisance rénale.
Statines
Les statines ont démontré leur efficacité en prévention secondaire sur la morbimortalité cardiovasculaire après un IDM (indépendamment du niveau de LDL initial). Objectif LDL < 1 g/L.
L'atorvastatine, la fluvastatine, la pravastatine, la rosuvastatine et la simvastatine ont l'AMM dans cette indication. Ex : TAHOR 20 mg 1 cp./j.
Après 2 à 3 j en soins intensifs, la prise en charge peut se poursuivre en chambre conventionnelle en cardiologie, en l'absence de complication.
Contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires
Arrêt définitif du tabac. Des substituts nicotiniques peuvent être prescrits dès la phase hospitalière.
Éducation diététique, traitement d'une dyslipidémie, équilibration d'un diabète.
Équilibration d'une HTA en privilégiant les β-bloquants et les IEC.
Prise en charge à la sortie de l'hôpital
Réadaptation cardiovasculaire
En ambulatoire ou en milieu spécialisé.
Conseils hygiéno-diététiques
Renouveler les consignes de lutte contre les facteurs de risque cardiovasculaires, notamment l'arrêt définitif du tabac.
Ordonnance de médicaments
Prescription d'un bilan biologique à effectuer 3 sem. après la sortie
  • Glycémie à jeun.
  • Dosage du cholestérol total, des cholestérols HDL et LDL et des triglycérides.
  • Kaliémie, fonction rénale.
Rendez-vous de consultation avec le cardiologue traitant
À fixer 3 sem. après la sortie de l'hôpital.
Première visite posthospitalière (à 3 sem.)
Interrogatoire avec appréciation de l'activité physique, examen clinique, ECG, tolérance des traitements.
S'assurer des bons résultats biologiques avec notamment l'objectif de LDL < 1 g/L.
Examens à effectuer 3 mois après l'IDM
ECG d'effort éventuellement couplé à une scintigraphie myocardique au thallium
Sert à s'assurer du bon contrôle par le traitement médicamenteux et l'absence d'ischémie résiduelle.
Échodoppler cardiaque
Pour évaluer la fonction ventriculaire gauche.
Biologie
Un nouveau bilan lipidique doit être fait pour modifier éventuellement la posologie de l'hypolipémiant. Contrôle de la kaliémie et de la fonction rénale sous IEC.
Consultations aux 6 eet 9 emois
Interrogatoire avec appréciation de l'activité physique, examen clinique, ECG, tolérance des traitements.
Contrôle du bon respect des règles hygiéno-diététiques.
Consultation au 12 emois
Cette consultation est l'occasion de renouveler les étapes suivantes.
ECG d'effort éventuellement couplé à une scintigraphie myocardique au thallium
À effectuer sous traitement.
Évaluation de la fonction ventriculaire gauche
Par échocardiographie doppler.
Consultations suivantes
Si le bilan à 1 an est rassurant, les consultations cardiologiques pourront être espacées tous les 6 mois.
Bilan annuel
ECG d'effort sous traitement, bilan lipidique et glucidique. S'assurer du bon contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires.

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